Desnos
Malgré le titre, qui renvoie à la figure apostolique de l'abbé Bonnet, c'est Véronique Graslin qui donne au roman son unité dramatique. Sa destinée tragique et édifiante réunit tous les fils de l'intrigue. Fille de Sauviat, ferrailleur auvergnat qui, par son labeur acharné et son instinct des affaires, avait fini par se constituer à Limoges, sou après sou, un riche patrimoine, elle avait été élevée à l'écart du monde, dans une atmosphère de piété, de simplicité et de pureté qu'avait seulement troublée, au moment de l'adolescence, la lecture fatale de Paul et Virginie. Mariée par ses parents au banquier Graslin, chez qui l'âpreté au gain avait oblitéré toute autre forme de sentiment, elle parvint d'abord à reporter ses élancements de coeur sur la religion et les activités charitables. Mais ces dernières lui donnèrent l'occasion de rencontrer et d'aimer, à l'insu de tous, l'ouvrier Jean-François Tascheron qui, aiguillonné par le désir amoureux de s'élever socialement, est amené à voler et, par un malheureux concours de circonstances, à tuer. Il meurt sur l'échafaud en taisant le nom de la femme du monde qu'on soupçonne derrière ses actes, alors que cet aveu pourrait lui éviter l'exécution ; en revanche, grâce à l'intervention du curé de Montégnac, il se réconcilie in extremis avec Dieu, pour le plus grand soulagement des autorités catholiques.
Véronique Graslin, qui est d'ailleurs enceinte de son amant, se sent doublement coupable : à l'égard de la religion à cause de son adultère, à l'égard de Tascheron qu'elle a sans doute tué par son silence. Sa vie ne sera donc plus qu'une longue pénitence. Contre elle-même, elle s'inflige de terribles souffrances physiques et mortifie littéralement son corps, au point d'y succomber. Cependant, retirée à Montégnac après la mort de son mari, elle se dévoue à ce village et met sa fortune au service de l'abbé Bonnet, dont les conseils en matière d'agriculture,